Il y a quelques mois, je vous expliquais comment reconnaître un alligator d’un crocodile pour vous aider à briller en société, et ne pas vous retrouver comme un/e imbécile si vous tombez sur l’un des deux au fin fond des Everglades.
Bon, c’est bien de savoir les reconnaître, mais savoir que faire en cas de rencontre fortuite c’est encore mieux, non ?
Je vais ici me consacrer exclusivement aux alligators, parce que si vous rencontrez un jour un crocodile, mon conseil est assez simple et bref : ne vous approchez surtout pas, et partez loin, très loin.
Close Encounter of the Alligatoridae Type
Tout d’abord, sachez que contrairement aux crocodiles, il est tout à fait possible d’approcher un alligator sans que celui-ci ne vous attaque. Je l’ai fait à de nombreuses reprises. Comment ? C’est assez simple : il ne faut pas qu’il vous prenne pour une proie et il ne faut pas qu’il se sente menacé.
Pour éviter qu’un alligator ne vous considère comme un proie, voici ce qu’il faut faire et ne pas faire :
- Restez hors de l’eau dans tout endroit où il y a potentiellement des alligators. En Floride, cela veut dire dans tout endroit où il y a de l’eau douce. Ne vous baignez jamais dans une rivière ou un lac sauf s’il est explicitement indiqué que vous pouvez le faire. Certains lacs ont, par exemple, des zones de baignades protégées avec des filets ou des grillages. S’il n’y a pas d’indication que vous pouvez vous baigner, ne vous baignez pas. Ce n’est pas négociable.
- Si vous êtes dans une embarcation quelconque, c’est bien entendu une très mauvaise idée que de laisser traîner ses mains dans l’eau.
- Ne paraissez pas plus petit que vous ne l’êtes. Par exemple ne vous accroupissez jamais à proximité d’un alligator, voire tout simplement quand vous êtes sur une berge quelconque, même si vous n’y voyez pas d’alligators.
- N’amenez pas vos chiens ou vos enfants en bas âge là où il y a des alligators. Ils ont la taille parfaite pour un bon dîner et seront considérés comme des proies potentielles. Souvenez-vous que les alligators se nourrissent surtout d’animaux ayant une taille aux alentours de 50 cm de long : gros poissons, tortues, ratons laveurs, oppossums, petits alligators, etc. Les humains adultes sont trop gros pour être considérés comme de la nourriture, pas les enfants et les chiens.
- Ne nourrissez jamais un alligator ! Un alligator nourri par un humain sera un alligator qui associera les humains à la nourriture. Cette association d’idée peut se produire sur le court terme. Dans ce cas, il ne fera pas la distinction entre la nourriture et vous – ou plus précisément entre la nourriture qui est dans votre main et… votre main. Cela peut aussi se produire sur le long terme : l’animal n’aura plus peur des humains et au lieu de les éviter (ce qui reste quand même sa réaction la plus normale, la plus naturelle et la plus fréquente) il ira à leur rencontre avec tous les drames que cela causera.
Un alligator qui attaque un humain est presque toujours un alligator qui a été nourri par un humain.
Et sachez que si vous êtes pris/e en flagrant délit de nourrir un alligator, non seulement vous devrez payer une lourde amende de 500$, mais vous encourrez aussi jusqu’à 60 jours de prison. On en rigole pas avec ces choses-là.
Et en plus vous aurez la mort de la pauvre bête sur la conscience car elle devra être euthanasiée.
Pour qu’un alligator ne se sente pas menacé, ne vous approchez surtout pas de lui s’il est hors de l’eau. Il est alors hors de son élément, et il se sent donc moins en confiance. Et si vous vous dites que vous ne risquez rien, qu’il est à moitié endormi et que si jamais il bouge vous pourrez vous enfuir en courant avant que ce gros pataud ne puisse vous atteindre, je vous réponds que vous faites là une grossière erreur de jugement. Le détail qui vous a échappé : un alligator peut faire des pointes à 35 km/h au sol sur de courtes distances. Et vous ?
Vous avez peut-être entendu qu’il faut courir en zig-zags si un alligator vous course. De par sa morphologie (tout en longueur, court sur pattes), il aurait du mal à faire des changements brusques de direction, et comme il n’est pas assez intelligent pour anticiper votre trajectoire il se fatiguerait plus vite ainsi. Moui. C’est surtout une idée reçue. Je ne suis pas sûr que cela vaille la peine de tester sa véricaté.
Si jamais un alligator vous poursuit, courrez tout droit dans la direction opposée, le plus vite possible. D’une, il est vrai que l’endurance d’un alligator à la course est faible. De deux, s’il vous course, son but n’est probablement pas de vous attraper, mais plutôt de vous faire fuir. Donc si vous fuyez, il aura atteint son but et cessera de vous poursuivre une fois la menace (vous) passée.
Sachez aussi qu’avant de vous courser, l’alligator essaiera de vous faire peur et de vous impressionner. S’il pousse un cri (une espèce de sifflement grave et rauque) c’est qu’il vous lance un avertissement. Son action suivante sera très certainement offensive. N’oubliez pas que, dans une telle situation, il n’a pas envie de vous manger. Il veut simplement que vous partiez. La meilleure chose à faire est d’exaucer son vœu.
Dans tous les cas, avez-vous vraiment envie de connaître le fond de sa pensée et ses buts dans la vie ? Probablement pas. Alors, mieux vaut ne pas vous mettre dans une situation où il pourrait vous courser.
Dans la photo ci-dessus, je n’ai pas eu d’autre choix que de m’approcher. Il était au bord du chemin – un chemin flanqué de deux étendues d’eau de chaque côté. Mais je me suis approché le plus lentement possible, sans faire de geste brusque, puis je me suis éloigné le plus rapidement possible, toujours sans geste brusque (et donc sans courir). Prendre une photo n’était peut-être pas la chose la plus raisonnable à faire, mais l’appareil était déjà dans mes mains, et je l’ai prise sans m’arrêter (c’est pour cela qu’elle n’est pas aussi nette que je l’aurais souhaité – c’était aussi un appareil-digital assez bon marché datant des débuts de appareils digitaux).
Notez que le mois de mai (le début de la saison de pluie en Floride) est le mois où on est le plus susceptible de tomber nez à nez sur un alligator hors de l’eau, et surtout loin de l’eau.
C’est le mois de l’année où les mâles ayant atteint la puberté quittent leur lac natal pour trouver un autre lieu où vivre et des femelles à féconder. C’est toujours une période critique de l’année où l’on tombera sur de jeunes mâles travaillés par leurs hormones dans les endroits les plus incongrus, que ce soit au fond d’une piscine ou au milieu de la route. J’ai d’ailleurs testé cette dernière option pour vous (c’était de nuit et avant l’âge des smartphones, il faudra me croire sur parole). Ces policiers aussi :
Contrairement aux policiers, je ne suis pas sorti de la voiture. Nous avons juste contourné la bête et continué notre route.
Donc, en gros, la seule circonstance dans laquelle il est – relativement – peu dangereux de s’approcher d’un alligator c’est quand celui-ci est dans l’eau, que vous n’y êtes pas et qu’il ne peut pas se jeter directement sur vous. Mais même là, certains individus plus téméraires ou plus optimistes que la moyenne ne se gêneront pas pour essayer.
J’ai le souvenir d’un beau spécimen qui, me voyant l’observer au-dessus de lui, décida de m’intimider, de m’attraper ou je ne sais quoi d’autre. Et alors qu’il avait bien trois mètres à escalader pour m’atteindre il fit quand même l’effort de plonger dans l’eau depuis l’autre rive, de nager vers moi et de ressortir de l’eau d’un pas décidé et intimidant pour me faire partir. Petit rappel : un alligator ne peut pas escalader un tel dénivelé. Je me demande encore aujourd’hui ce qu’il espérait. Peut-être protégeait-il un nid, et ne voulait prendre aucun risque (si je savais qu’il ne pouvait pas monter, il ne savait pas que je n’avais pas la moindre intention de descendre). Oui, dans ma liste des différentes situations de rencontre avec un alligator, je n’ai pas mentionné la femelle qui protège son nid. Je vous souhaite tout simplement de ne jamais vous retrouver près d’une femelle et de son nid, c’est le seul conseil que j’ai à vous donner pour ce cas de figure-là.
Mais voila, si vous courez vraiment de malchance (ou d’inconscience),
que faire si un alligator a décidé que vous serez son prochain repas, ou du moins sa prochaine victime?
La première chose, c’est de ne pas paniquer, ni de vous imaginer déjà dans son ventre. Selon toute probabilité, vous ne perdrez qu’un bras ou qu’une jambe.
Par contre, gardez bien à l’esprit que l’attaque de l’alligator est double. Jusqu’à présent, vous pensez certainement surtout à sa puissante mâchoire qui croque tout ; je vous rappelle qu’il s’agit de la mâchoire la plus puissante du monde animal. Mais n’oubliez pas sa queue !
La queue d’un alligator est extrêmement puissante. Elle lui sert de propulseur quand il nage (vous ne pensiez pas qu’il avançait en pataugeant grâce à ses petites pattes quand même ?) mais aussi d’arme redoutable quand le besoin s’en fait sentir. Pour vous mettre un peu dans l’ambiance, sachez qu’un coup de queue d’alligator peut facilement vous briser les fémurs.
Mais j’arrête ici de vous faire peur, car il est maintenant temps d’apprendre comment se défendre et se tirer vivant de cette situation pour le moins insolite qui est de se faire attaquer par un alligator. Quoique, si cela vous arrive, imaginez un peu votre popularité auprès de vos (futurs?) petits-enfants quand, bien plus tard, vous leur narrerez vos aventures au coin du feu pendant les longues soirées d’hiver de vos vieux jours.
Donc, si un alligator vous attaque sur le sol (si la scène se passe dans l’eau, je vous renvoie au paragraphe sur les nids d’alligators, les conseils sont les mêmes), les premiers instants seront cruciaux. Si vous ne pouvez fuir, il faudra que vous arriviez à vous placer sur l’alligator. Oui, oui, vous avez bien lu. Placez-vous approximativement au niveau des ses épaules et appuyez sur son cou pour lui plaquer la tête au sol. Couvrir ses yeux est aussi une très bonne idée, cela le calmera (comme un vulgaire poulet). Et pour éviter les morsures, il sera important de maintenant la bouche de l’alligator fermée.
Là le lecteur me regarde un peu ahuri et doit penser quelque chose du genre :
“Mais il se fiche de nous ? Il nous a dit dans l’article précédent que la mâchoire de l’alligator était la plus puissante du monde animal, et maintenant il veut que l’on la maintienne fermée !”
Exactement !
Et non, je ne me fiche pas de vous. Au contraire, je vais maintenant vous révéler le talon d’Achille des alligators : si ses muscles pour fermer la bouche sont extrêmement puissants, ceux pour l’ouvrir sont plutôt faiblards en fait. Tout humain ayant un peu plus que de la peau et des os aura assez de force pour maintenir la bouche d’un alligator fermée s’il le souhaite.
Étonnant non ?
- Si vous réussissez à le calmer de la sorte, je vous avoue que moi-même je serai impressionné. Je ne serais pas surpris si les Miccosukees faisaient de vous un membre d’honneur de leur tribu.
- Si vous n’y arrivez pas mais que par chance vous avez un couteau ou quelque chose de contondant avec vous, visez les yeux et le museau. C’est encore la chose que vous aurez de mieux à faire et ce qui aura le plus de chance de le convaincre de vous laisser tranquille. N’oubliez pas qu’il n’y a que dans les films que ce genre d’animal se bat jusqu’à la mort, dans la vraie vie, il ne sont pas habitués à recevoir des coups (ils ne sont pas en haut de la chaîne alimentaire pour rien) et quand tout ne se déroulera pas comme prévu pour lui, il ne lui en faudra pas beaucoup pour lâcher prise et pour fuir.
- S’il a attrapé quelque chose dans sa mâchoire – par exemple votre jambe – et que par chance celle-ci n’est pas sectionnée, il sera impératif d’arriver à l’empêcher de vous secouer. C’est ce qui vous fera le plus de dégâts. À la limite, il vaudrait presque mieux qu’elle soit sectionnée net. Pour vous dégager le plus rapidement possible, c’est – paradoxalement – en appuyant sur son nez (et donc en maintenant sa bouche fermée avec votre jambe entre les mâchoires) que vous aurez le plus de chance de le faire lacher prise.
Quoique je vous conseille plutôt un bon coup sec sur le museau, habituellement, cela lui fait ouvrir la bouche en réaction. Ensuite, bien évidemment ne traînez pas pour sortir votre jambe.
Dans tous les cas, si vous êtes blessé/e par un alligator, que ce soit un bras sectionné, ou une simple éraflure, faites traiter la blessure le plus rapidement possible. Les blessures causées par les alligators, du fait de la présence d’agents pathogènes dans leur salive, vont s’infecter très très rapidement.
Voilà, maintenant que toutes ces recommandations ont été faites, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un très agréable voyage.
Une dernière chose : surtout ne montez pas sur un “airboat“. Je vous expliquerai pourquoi une autre fois.
(NdR: Il est évident que je décline toute responsabilité si vous revenez de vos vacances floridiennes en morceaux après une rencontre avec un alligator)
- Sources : Cinq ans de vie en Floride à crapahuter dans la nature plutôt que de me faire dorer la pilule sur les plages de Palm Beach. Ainsi que le livre “The Worst-Case Scenario – Survival Handbook” de Joshua Piven et David Borgenicht. Il a l’air d’être encore disponible.
- Sources photos : Toutes les photos ont été prises par l’auteur. Ne les volez pas. Si vous voulez les utiliser, veuillez le contacter.
Voila, c’est tout pour aujourd’hui.
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